Requalification des espaces publics – Chaliers (15)
Film de présentation du bourg de Chaliers. 1er prix régional, valeurs d’exemples 2015, dans la catégorie espace public, commune de moins de 2000 habitants.
Film de présentation du bourg de Chaliers. Présenté à Biennale de Venise 2016 au Pavillon français
Lieu : 15320, Chaliers Maître d’ouvrage : Commune de Chaliers Maître d’oeuvre : - Atelier du Rouget Simon Teyssou & associés - Claveirole & Coudon (géomètres) Entreprises : Sas Marquet, voierie - réseaux divers - maçonnerie & pavage pierre / Paraitas Thierry Sarl, couverture - zinguerie / Sarl serrurerie de la Margeride, serrurerie / Sarl Hermabessiere paysage, travaux paysager Calendrier : Livré depuis Octobre 2014 Coût prévisionnel des travaux : 499 441 € HT Crédit photos : Benoit Alazard, Nicolas Lamouroux
Espace publics à Chaliers
Le lieu du projet
La commune de Chaliers est située en Margeride, un massif granitique situé aux confins des départements du Cantal, de la Lozère et de la Haute Loire, bordé à l’ouest par les gorges de la Truyère et à l’est par le val d’Allier. La commune est occupée par des pâturages et des boisements de pins sylvestres, de hêtres et plus récemment d’épicéas. Située à une altitude comprise entre 800 et 1000 mètres, le sous-sol de la commune est majoritairement composé de gneiss. Elle appartient aujourd’hui à la Communauté de Communes du Pays de Saint-Flour et de la Margeride. Elle est située proche de l’autoroute A75 qui relie Clermont-Ferrand à la Méditerranée. Caractérisée par un habitat dispersé, la commune compte aujourd’hui 195 habitants. La démographie est en baisse constante depuis la fin du 19ème siècle. Les villages les plus importants sont Pratlong et Chaliers, le bourg-centre historique.
Modalités d’intervention et acteurs
Le projet de requalification des espaces publics de Chaliers s’inscrit dans un programme «cœur de village» initié par le Conseil Départemental du Cantal spécifiquement dédié aux communes rurales et pour lequel un accompagnement est garanti par le Conseil d’Architecture Urbanisme et Environnement (CAUE) du département. En l’absence de documents d’urbanisme, le plan d’aménagement global devient un document de référence pour penser le devenir des espaces et édifices publics de la collectivité. Il a pour vocation de mettre un terme aux interventions réalisées au coup par coup.
Les études préliminaires s’attachent à porter un regard critique sur l’état des lieux des espaces publics de la commune et à décrire sommairement les aménagements projetés. Une attention particulière a été portée au village historique de Chaliers, village-rue qui s’est installé sur une crête dans un méandre de la Truyère, affluent du Lot. Chaliers dispose d’un réel potentiel d’attractivité du fait de sa situation géographique peu commune. Par ailleurs d’importants travaux de réseaux étaient nécessaires. C’est donc à Chaliers que les acteurs ont décidé de réaliser la première tranche de travaux.
Un projet pour le village de Chaliers
Le projet consiste à redessiner la traverse en diminuant la largeur de la bande roulante, à qualifier les accotements et les seuils précédant les habitations, à reprendre le réseau d’eau pluviale et d’assainissement et à achever l’enfouissement des réseaux aériens. Trois placettes, toutes adossées à un édifice patrimonial singulier, ponctuent le parcours linéaire du village-rue et agissent comme des pièces qui mettent en scène les vues lointaines en plongée sur la vallée de la Truyère. La géométrie et la matérialité des placettes varient en fonction de la topographie, du rapport souhaité au patrimoine en présence et des usages accueillis. Si chacun des trois espaces se distingue par un traitement spécifique, ils partagent une disposition commune qui consiste à interrompre la voie.
La première placette est située devant une ancienne maison de notaire du XVIIIème siècle, plus tard transformée en presbytère. La maison est aujourd’hui propriété de la commune qui envisage de lui affecter un nouvel usage. La seconde est située en contrebas de l’église perchée sur son promontoire cerné de murs de soutènement. La troisième se trouve devant la mairie à l’extrémité ouest du bourg.
Trois placettes pour découvrir le paysage
Devant la maison de notaire, le traitement de l’espace public est très simple. Un parvis en dalles de granit encadre le perron de l’habitation. Le parvis reprend la matière du perron et de tous les encadrements de baies de l’habitation. Le bas-côté du parvis est constitué d’un mélange terre pierre enherbé permettant le stationnement ponctuel des véhicules. Mais c’est avant tout un lieu idéal pour observer la vallée de la Truyère. Un arbre de haute tige sous lequel sont installés une table et des bancs contribue à donner une qualité singulière à ce lieu privilégié.
L’espace en contre bas de l’église est plus complexe. Il est à l’articulation de plusieurs parcours pour piétons : escalier et venelle latérale desservant le promontoire de l’église, cheminements distribuant les habitations et les jardins en terrasses installés sur le coteau. La topographie est plus marquée. Le stationnement des riverains et la collecte des déchets ménagers devaient être réorganisés. Le projet fait cohabiter tous les usages. Il s’agit d’installer les voitures dans la pente tout en faisant en sorte que la placette soit plus qu’une simple aire de stationnement. Les emplacements pour voiture sont caractérisés par des pas d’âne en béton désactivé tenus par des marches en granit. Une promenade en belvédère borde la placette au sud et donne une vue privilégiée sur la vallée de la Truyère. Un second ouvrage en pierre dissimule les poubelles. Une structure en acier disposée en équerre sur le mur devient une pergola support de plantes grimpantes.
La troisième placette, devant la mairie, est encore une autre manière d’appréhender le paysage. L’espace public est ici caractérisé par son unité de matière, de la façade de la mairie jusqu’à l’extrémité du belvédère. Réalisée en moellons de gneiss, la place est strictement alignée à la façade de la mairie. Il s’agit d’une architecture de sol qui accueille le stationnement ponctuel des véhicules mais aussi les promeneurs. Un banc linéaire en châtaignier souligne la rupture de pente entre les deux niveaux de la placette. C’est aussi une manière d’arrêter les voitures. L’espace en creux, desservi latéralement par une rampe, permet d’accéder à la prairie en contrebas.
L’unique rue du village
Avant les travaux, la voie était caractérisée par une bande roulante en enrobé, parsemée de reprises. Les bas-côtés étaient en herbe ou en stabilisé. Le long du front bâti, côté nord, des pavages en pierres réalisées par les habitants et des plantations, fabriquaient une transition entre la chaussée et les façades. Malgré son état vétuste, la traverse du bourg n’était ainsi pas dénuée d’intérêts.
Si les bas-côtés plantés et les pavages ont dû être supprimés pour réaliser les travaux d’enfouissement des réseaux, le dispositif de mise à distance de la bande de roulement vis-à-vis des façades a été repris dans le projet. Un dessin précis du traitement des bords a été entrepris. Les pierres de seuil ont été conservées pour être réemployées. De nouveaux pavages en schiste sont apparus pour généraliser le principe des passages desservant les habitations. Les bas-côtés de la voie ont été à nouveau enherbés et plantés de vivaces rustiques et d’arbustes, entretenus par les riverains. Contrairement à l’ancienne, la nouvelle voie en enrobé grenaillé exposant ses agrégats granitiques, dispose d’une largeur constante réduite au strict minimum, permettant ainsi d’élargir les bas-côtés. Elle est tenue par des bordures arasées en gneiss.
Un projet de soustraction
Concomitamment à la requalification des espaces publics, il a été décidé de rassembler les différents objets hétérogènes dispersés sur l’espace public. Les poubelles, les conteneurs nécessaires pour le tri sélectif, les panneaux d’affichage, les coffrets électriques sont nécessaires, mais leur accumulation pollue l’espace public. Deux microarchitectures rassemblent les objets achetés sur catalogue. Ils constituent le petit patrimoine d’aujourd’hui, de la même manière que le four banal, le lavoir ou le métier à ferrer les chevaux, réalisés avec soin dans le passé, composaient le petit patrimoine d’hier. La première s’inscrit dans le prolongement du sol du belvédère en gneiss. La deuxième est une réhabilitation d’un édicule abritant une bascule devenue inutile.
Un projet pour rétablir des relations
Si le projet de Chaliers a permis de résoudre des questions d’usage très concrètes par le réaménagement des espaces publics et des questions de fonctionnement par l’amélioration de la desserte et des réseaux, il incarne aussi et avant tout une situation spécifique. Il s’est construit avec les ressources paysagères, patrimoniales, matérielles et humaines du territoire. D’une certaine manière, le projet amplifie le déjà-là avec lequel les concepteurs composent. La requalification des espaces publics de Chaliers ne peut être comprise que dans sa relation à la vallée de la Truyère, au coteau, à la morphologie urbaine –un village-rue- et à son patrimoine bâti, les trois placettes étant pensées dans leur relation respective avec les édifices contre lesquels elles s’adossent.
La matérialité des aménagements témoigne aussi d’un ancrage territorial. Les pierres choisies pour les placettes correspondent à celles des édifices de Chaliers : le gneiss majoritairement et le granit plus ponctuellement. Deux logiques d’approvisionnement ont prévalu : le projet mobilise des ressources neuves extraites de carrières et des pierres recyclées issues de constructions démolies. Les gisements locaux n’étant plus exploités, le gneiss des pavages provient d’une carrière de Saint-Yrieix-la-Perche dans le Limousin. Peu nombreuses, les pierres taillées en granit proviennent du Portugal : il s’agissait de retrouver un grain et une teinte proche du granit local. Les murs du projet sont réalisés avec des pierres de réemploi en gneiss, schiste, micaschiste ou granit. Au-delà du choix de la matière, les travaux ont aussi été un moyen pour stimuler l’économie locale : tous les travaux ont été réalisés par des entreprises du territoire, reconnues pour la qualité de leurs savoir-faire.
Enfin, le projet porte un regard critique sur l’évolution du territoire, à une échelle plus vaste que celle du village. En situation de belvédère, les trois placettes invitent à s’interroger sur le devenir des terrasses établies sur le coteau au pied du village, autrefois cultivées et productives, aujourd’hui délaissées et en friche. Le projet suggère que la commune, propriétaire d’une partie de ces parcelles, pourrait initier une politique de reconquête des anciennes cultures en concertation avec les propriétaires et les associations locales. Cette attention au maintien de paysages ouverts pourrait s’étendre à toutes les parcelles agricoles peu accessibles, qui se ferment progressivement consécutivement aux grandes mutations agricoles du siècle passé. Il s’agirait de penser un projet spécifique pour ces lieux à l’abandon qui viennent au contact du village.
Crédit documents graphiques : Atelier du Rouget